“Strainchamps, entre notaires et hôtellerie.” – Article paru dans “La Libre Belgique”.
Pour les amoureux d'histoire...
Un article paru dans « La libre Belgique » du vendredi 3 juin 2011, signé Philippe Farcy.
"La plus ancienne partie de la maison date de 1701. La plus récente remonte à 1905. Sous l’Ancien Régime, point de château. Strainchamps est une minuscule bourgade d’à peine plus de cent cinquante habitants qui se trouve sur la nationale 4 entre Bastogne et Martelange.
Le fin fonds de l’Ardenne c’est peut-être là, à quelques kilomètres de la frontière du Luxembourg, dans une vallée qui vous fait passer de 385 à 515 mètres d’altitude et où le « château » trône à ¾ de pente, ce qui des chambres doit lui donner une très belle vue. On y trouve là un restaurant une fois étoilé au Michelin et une petite dizaine de chambres, ce qui est à la mesure du village, petit et cosy.
L’histoire de la maison est plus maigre que l’épaisseur de la demeure. Si l’on sait que la résidence était assortie d’une ferme et que l’ancienne grange date de 1701, on sait aussi que l’habitation fut en trois temps augmentée au cours des XIXe et Xxe siècles, pour atteindre la taille actuelle, augmentée d’un édifice de dépendance perpendiculaire à la chaussée pentue ; lequel édifice jadis à usage de garage est assorti d’une tourelle circulaire en échauguette.
La demeure principale, en long, compte sept travées irrégulières et se termine par une tour carrée engagée. Les deux niveaux égaux de l’habitation reposent sur un épais soubassement ajouré. La toiture couverte d’ardoises est de type bâtière, munie d’une croupette. La toiture de la tour est pour sa part en pavillon à coyaux. Il manque juste au sommet une frise en fer forgé qui allègerait la flèche. Quatre lucarnes en bâtière viennent animer la toiture principale ; elles sont sommées de ferronneries dignes d’un fretel de cafetière en argent massif. Notons la qualité du travail des différentes ouvertures et à commencer par les lieux d’accès qui sont double. Le plus important est l’escalier de gauche en regardant la façade. Les degrés évasés mènent à une double porte et le perron est protéger par un auvent de verre et de métal. L’idée de cette protection est reprise au pied de la tour. Quant aux baies, elles sont élégantes et bénéficient de décors tirés de la Renaissance.
Pour ce qui est de l’histoire de ce lieu, il ne se confond pas avec celle du village. Le notaire honoraire Pierre Erneux a bien voulu nous donner quelques indications sur ce qui fut la maison et l’étude de deux générations de notaires de la famille Jeanty. Ils tinrent la demeure de 1856 à 1921. Puis vint le notaire Lebeau de 1921 à 1969. Ensuite ce fut Pierre Erneux dans une autre résidence. Lui il tint son poste de 1969 à 2010. C’est maintenant le tour du notaire Lochet d’officier. Cela veut dire qu’il n’y a eu que quatre notaires entre 1856 et 2010. L’Ardenne ça conserve, c’est sûr.
Le Jeanty de la première heure avait un frère notaire lui aussi du côté d’Izel, près de Florenville. Pour ce qui regarde le hameau, Emile Tandel signale que Strainchamps et Assenois (celui proche de Bastogne), firent cause commune pendant de nombreuses décennies. Le premier seigneur signalé en 1455 est Diederich de Sauerfeld qui reçut cette seigneurie en fief de la part de Guillaume d’Orley, sire de Linster. Sauerfeld reçut la chose du chef de sa femme, fille de Jean Wampach, en plus de la seigneurie de Diekirchen. En 1468, un document annonce que le comte Jean de Nassau-Vianden versait chaque année à titre féodal une somme non déchiffrée.
Les bénéficiaires étaient le couple forme de Spiess et Marguerite von Survelt (une des formes du nom de Strainchamps). Les biens passèrent ensuite aux Sorfeld puis par alliances aux Waha de Fronville en 1562. Les Naves, les Sterpigny (installés au château de Bleid), les Gorcy et les Jodainville héritèrent ensuite et c’est Anne de Sterpigny, qui épousa Mathieu de Wal, qui héritèra seule suite au décès de leur mère commune, Johannette de Waha, née Sorfelt (autre forme encore d’écriture pour Strainchamps).Le 14 juin 1672, écrit Tandel, la seigneurie de Strainchamps fut vendue à Jean du Trux, après une vente publique laquelle fut adjugée à 125 livres par habitant. La transaction couvrait la totalité des droits. En 1678, voilà que Rodolphe-Wenceslas de Strainchamps est bombardé comte de Strainchamps.
Tandel ne dit pas ce qui a valu tant d’honneur à ce gaillard, dont la descendance plus que lui-même allait co-partager le village avec L-F de Carcano. Le fils de celui-ci (qui semblait être installé à Sibret), allait vendre en 1741 les droits de la seigneurie de Strainchamps à Jean Nicolas. Puis en 1758 c’est un gentilhomme, née Coppin, qui prit en charge le territoire pouer les 5/6e. IL dut y avoir des conflits juridiques car le 6 juin 1759 Marie-Emérantiane du Trux, veuve de Michel de dave de la Margelle (lien avec Eysden, au Limbourg ?), sire de Bodange, récupéra les droits sur le hameau.
La fin de l’Ancien Régime vit passer Strainchamps pour quelques mois dans les mains d’un laboureur, Joseph Godefroi, demeurant à Hotte, sur Fauvillers), pour partie, puis pour une autre part à Jean-Hubert Goose. Deux autres parts furent détenues par Jean-Nicolas Gérard, laboureur et marchand d’étoffes et par Jean-François Gillet lui aussi laboureur et plus logiquement marchand de bestiaux. Il n’y avait donc pas de château à proprement parler à Strainchamps sous le régime féodal.
En 1990 Frans (né à Roulers) et Paulette Vandeputte, Madame est née Lalande et est native de Honville, un village proche d’ici, inaugurèrent leur hôtel-restaurant. Depuis, beaucoup de rénovations ont été entreprises, notamment en 2004 qui vit la rénovation du colombier."